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FREE PARKING PARADISE - NAPIER

Nous faisons notre entrée à Napier avec les dernières lueurs du jour. Au bord de la mer, s’étend un grand parking où s’entassent les caravanes de voyageurs. Les guirlandes de lumières colorées accrochées aux arbres brillent déjà. Assis aux abords de leurs véhicules en groupes, un verre à la main, des gens des quatre coins du monde échangent leurs histoires de voyage ou relaxent à la fin d’une longue journée de travail dans les champs. Un peu intimidées par la scène, nous cherchons une place libre et tentons de nous garer en parallèle agilement. Raté. Le pare-choc arrière accroche bruyamment les rochers servant de trottoir et nos voisins éclatent de rire. On repassera pour la discrétion. Bon, il semblerait y avoir une place avec vue sur la mer tout près, allons-y donc.

Notre véhicule finalement immobilisé, notre orgueil défroissé, nous déballons, comme tous les soirs, nos vêtements chauds et nous affairons à préparer de quoi se mettre sous la dent. Il vente. Notre nouveau voisin cuisine à l’intérieur. On envie un peu son logis largement plus spacieux que le nôtre. Quand il en sort, nous le saluons poliment. Son accent charmant nous indique qu’il est français, du sud. Nous déclinons son offre pour du café à cette heure tardive, peut-être accepterons nous au réveil? Avant d’aller au lit, nous découvrons le bloc sanitaire du parking. Ici il y a l’eau courante ! Magnifique ! En attendant notre tour, Thomas d’Italie nous dit qu’il vit là depuis un mois, il se croit au paradis. Sa bonne humeur est contagieuse. Ça nous fait sourire et nous avons hâte d’en découvrir d’avantage.

Au réveil, Guillaume nous offre à nouveau un café. Volontiers cher ami. Je lui demande à la blague s’il n’aurait pas un grille pain chez lui. Eh non. Il revient malgré tout avec une tranche de pain grillée, à ma grande surprise. Quelle gâterie ! La première leçon qui nous vient à force de vivre dans une caravane c’est d’apprécier les petites choses. Des toasts toastées, comme on dit, ça fait facilement notre bonheur désormais.

Le programme de la journée consiste à découvrir le centre-ville de Napier, capitale de l’Art Déco en Nouvelle-Zélande. Nous faisons une balade à pied, admirant l’architecture et les fresques aux murs. Toutefois, on ne vous cachera pas notre déception. Le charme des édifices des années 30 est rapidement déclassé par les affiches commerciales incongrues qui pullulent le long des trottoirs, ainsi que les hordes de touristes du troisième âge qui se déplacent en groupes bruyants et occupent toutes les terrasses. Nous avons bien vite fait le tour et décidons de trouver un endroit où prendre une pinte, ou deux, puisque, comme Guillaume le dit si bien, nous n’allons pas rentrer que sur une jambe. Il nous fait rire avec ses vieilles expressions françaises qu’il nous sort à chaque occasion.

Nous passons le reste de la journée au parking paradisiaque afin de profiter du bord de mer. Nous faisons connaissance avec d’autres voyageurs, bohèmes, surfeurs, skateux, cueilleurs de petits fruits. Robin vient de faire la lessive, mais son jeans griffé est taché de jus de bleuet. Il s’excuse en anglais en enfilant son pantalon devant moi. Puis en découvrant que nous sommes « cousins », passe au français et me mitraille de questions sur le Québec.

Plus tard, nous soupons ensemble entassés dans la Mitsubishi L300 86’ de Guillaume. La bouteille de vin passe d’une main à l’autre, tandis que les bras libres tiennent en équilibre le dessus de la table qui n’est pas vissé au pied (parce que c’est aussi le lit). La soirée est peuplée de rires et Guillaume de sa voix grave de commentateur radio résume bien le moment « On est biiiiieeen làààà ».

Nous devons quitter le lendemain. Nous ne prévoyons pas nous installer ici malgré l’insistance de nos nouveaux amis, mais avant d’enrayer définitivement cette possibilité, nous allons voir si la région viticole des environs saurait nous convaincre autrement. C’est joli, sans plus. Notre choix est fait, direction sud, comme prévu. Toutefois, au moment de dire au revoir, nous ne pouvons résister à l’invitation de festoyer une nuit de plus au parking. Guillaume, qui à grandit sur un vignoble, souhaite nous faire découvrir un nouveau cépage. Allez, on reste. On commence avec de la bière, en comparant nos caravanes. Tiens, lui à construit des étagères et elle les a décoré avec de la tapisserie. Les planches de surf pendent au dessus de leur lit. Lui, ses réparations ont couté autant que le prix initiale du véhicule, il veut le vendre. Eux dorment dans des tentes empruntées aux bons samaritains qui passent. À les entendre, la nôtre est un palace. Ils considèrent acheter le Mitsubishi. On sort la bouteille de vin, les chandelles remplacent le feu de camp et le pare-soleil isole bien les fesses posées sur l’asphalte froid. Le cœur de la fête ce soir, c’est chez nous. Voulez vous une bouchée de fromage trempée dans le sirop de poteau ?

Je ne sais pas si un parking c’est un paradis, mais c’est vrai qu’on est bien là !

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